Prévention des inégalités sociales dès le premier âge : quels enseignements tirer du Programme National Parler Bambin ?
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Une première en France : pendant 5 ans, le programme national Parler Bambin a porté l’ambition de coupler la recherche et l’action grâce à un vaste accompagnement des professionnel.les de crèches. L’objectif : étudier les effets de cette approche pédagogique qui vise à prévenir les inégalités sociales en ciblant le développement langagier des tout-petits. L’Agence nouvelle des solidarités actives, pilote de ce projet, publie aujourd’hui les enseignements tirés de cette expérimentation novatrice.
Parler Bambin : une approche pédagogique qui entend prévenir les inégalités sociales dès la petite enfance
De plus en plus d’études soulignent les écarts importants dans le développement langagier des enfants avant même leur arrivée à l’école. Une situation préoccupante pour Florent de Bodman, directeur de l’association 1001 mots, qui alerte : « les enfants des familles les plus aisées maitrisent deux fois plus de mots que les enfants des familles les plus défavorisées ». On constate malheureusement que cet écart a tendance à se creuser tout au long de la scolarité de l’enfant et ainsi aboutit à une reproduction des inégalités sociales à l’âge adulte.
Si plusieurs expérimentations ont déjà été menées sur le sujet, notamment dans les pays anglo-saxons, aucune n’a bénéficié jusqu’alors d’un déploiement à très grande échelle auprès d’établissements d’accueil du jeune enfant dans le contexte régulier d’exercice de leurs missions. C’est en cela que le programme national Parler Bambin, déployé entre 2016 et 2021, est particulièrement novateur. Les professionnel.les de 94 crèches ont ainsi été formés aux pratiques favorisant le développement langagier des 0-3 ans afin de prévenir l'apparition d'inégalités dans l'acquisition du langage.
Durant ces cinq années, cette expérimentation a été suivie de près par des chercheurs des laboratoires J-PAL Europe et Dynamique du Langage de Lyon pour en évaluer rigoureusement les effets. Grâce à ces résultats et aux retours de terrain, l’Agence nouvelle des solidarités actives, pilote du projet, partage aujourd’hui une capitalisation des enseignements.
Quels enseignements tirer des 5 années du Programme national Parler Bambin ?
L’Ansa note un véritable impact sur les pratiques professionnelles qui conforte l'importance et la force de la formation continue des professionnel.les de la petite enfance. Le programme a été un levier important dans la valorisation de ces métiers et dans le sentiment de légitimité des professionnel.les à jouer un vrai rôle pédagogique. À la suite de la formation, les connaissances sur le développement du langage sont approfondies, les interactions sont plus stimulantes et plus riches avec les enfants.
Les résultats de la recherche confirment l'impact noté par l'Ansa, mais montrent cependant que l'effet s'estompe avec le temps : une conclusion partagée par les professionnel.les qui doivent faire face aux réalités de terrain comme les modalités d'organisation ou le roulement de personnel. L'accompagnement dans la durée des équipes formées est donc une condition sine qua non à une évolution pérenne des pratiques professionnelles.
Les retours de terrain sont aussi encourageants concernant l’impact de l’approche pédagogique sur les enfants. Ils témoignent d’effets sur le langage des enfants mais aussi sur leurs compétences socio-émotionnelles, comme en témoigne Marie-Agnès Richard, auxiliaire de puériculture à Angers : « Les enfants avaient plus de facilité pour communiquer, (…) développaient une meilleure confiance en soi et estime de soi, avec une prise d’autonomie, une facilité à aller vers l’adulte pour faire une demande ».
Pourtant, ces constats des professionnel.les en contact direct avec les enfants ne sont pas significativement révélés par les résultats issus de l'évaluation scientifique sur le développement langagier des enfants. Cette situation contradictoire plaide pour la nécessité de continuer à expérimenter dans ce champ. Ces démarches sont en effet essentielles pour affiner l’approche et la rendre la plus impactante possible, ainsi que pour construire des outils d’évaluation assez sensibles pour repérer certains changements chez les enfants : « Arriver à accéder à des indices de développement d’un enfant de moins de 3 ans, c’est un défi de la recherche » souligne Nawal Abboub, docteure en sciences cognitives.
Comment peut-on aller plus loin ?
Première dans son genre en France, cette expérimentation représentait un véritable défi : parvenir à piloter une expérimentation à l’échelle nationale dans des conditions réelles d’implantation, en établissement d’accueil de jeunes enfants, tout en évaluant rigoureusement les effets de cette intervention.
Marguerite Bergès, en charge du pilotage de l’expérimentation à l’Ansa, constate : « On sait que la crèche ne peut pas tout, et ne touche pas tous les enfants ». Il apparait donc nécessaire d’approfondir la coopération avec les familles et de proposer des actions de prévention à destination d’une plus grande diversité d’acteurs de la petite enfance et du soutien à la parentalité.
A cet égard, et face aux enseignements tirés de l’expérimentation, l’Ansa continue de déployer et d’améliorer l’approche Parler Bambin, tout en développant d’autres formations inspirées de cette approche à destination d’une pluralité d’acteurs. C’est en expérimentant, en évaluant et en ajustant chemin faisant que des supports de prévention riches et accessibles aux décideurs publics et aux acteurs de terrain peuvent voir le jour.
"Programme national Parler Bambin : bilan et enseignements de l'expérimentation"
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